Bon, malgré les caprices de la météo, l’été s’en vient tout de même. La nature revêt ses habits de fête. Les arbres secs et dénudés reverdissent. Les graines semées au printemps ont germé et donnent déjà des plantes de toutes sortes. Les paraboles du prophète Ezechiel et de Jésus sont tout à fait de saison.

Oui, par la bouche d’Ezechiel, Dieu annonce à son peuple que s’achèvent pour lui les hivers de l’exil. Il lui annonce qu’il va accomplir la plantation d’un jeune cèdre qui deviendra un grand arbre magnifique. Il lui déclare : « Je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Je suis le Seigneur, j’ai parlé, et je le ferai. »

Jésus s’est beaucoup inspiré de l’image des arbres dans son enseignement. Quand il s’adresse à la foule et lui parle du Règne de Dieu qui germe et grandit, il emploie souvent des paraboles printanières et estivales. Au premier degré, le langage des paraboles est simple : Jésus emploie des mots et des images concrètes et familières à la portée de tous. Tous sont invités à s’étonner devant les mystères de la vie, devant le dynamisme incessant qui fait que les semences germent et grandissent, que nous dormions ou que nous soyons levés, étonnés devant ce miracle que d’une semence toute petite puisse germer et grandir une plante sans commune mesure avec elle.

Sur ce plan, les paraboles de ce dimanche sont porteuses d’une théologie de la création. La nature est une école de vie et de sagesse, pour peu qu’on entretienne avec elle une relation constante, aimante et attentive. L’homme moderne, pragmatique et efficace, risque d’oublier que tout ce qui vit et respire vient de plus loin et de plus grand que lui. Il risque d’oublier qu’il fait partie du monde des vivants et qu’il est soumis aux mêmes lois que celle des végétaux, des animaux… Oui, la tentation est grande de traiter la nature comme un objet ou un décor extérieur à l’homme, qu’il a le pouvoir d’exploiter, de transformer et d’instrumentaliser à sa guise, dans une perspective productiviste de rentabilité. Au risque d’oublier qu’elle est un trésor qui lui est confié, dont il n’est que le gérant éphémère et que, si elle périt, il périra avec elle. Nous le savons plus que jamais, les mirages de toute puissance, de productivité sans limites peuvent nous appauvrir l’esprit, nous conduire à désapprendre la plus élémentaire sagesse et à faire ainsi notre propre malheur !

Mais ceci dit, les paraboles de Jésus sont surtout à interpréter à un second degré, sur le plan de la foi. Les disciples de Jésus doivent les accueillir, comme s’il s’agissait en chacune d’un secret que seuls les plus intimes peuvent comprendre, d’un appel à la conversion du regard et du cœur. Jésus dévoile à ses disciples et leur explique en particulier des choses essentielles qui concernent la connaissance et l’amour de Dieu. Elles ne se transmettent pas forcément en public à force de démonstrations, d’explications, mais sous le mode de la confidence. Chacun doit les interpréter et est appelé librement à en saisir le message. Parler de Dieu et de son Royaume en paraboles, c’est justement consentir à ce que son règne germe et grandisse dans le secret des cœurs et des consciences, à l’insu des bruits et des fureurs du monde, comme la semence jetée en terre, comme la graine de moutarde.

C’est là une leçon toujours à retenir aussi pour l’Eglise, parfois trop empressée de proclamer en public tous ses secrets, d’utiliser les moyens modernes tapageurs de la communication pour convaincre, expliquer, prouver et transmettre. Sans compter que son langage est souvent perçu comme dogmatique et moralisateur. L’Eglise est peu encline à cultiver l’art de la parabole, à trouver les mots simples et concrets qui peuvent toucher le cœur de chacun et le rejoindre dans sa vie.

Et puis, les paraboles de ce dimanche trouvent une forte résonance dans notre actualité. Les chrétiens dans le monde se culpabilisent facilement et se désolent de n’être qu’un petit nombre, un petit reste, une modeste semence. Nous nous attachons parfois bien plus à pleurer notre mort qu’à croire que « la plus petite de toutes les semences du monde puisse un jour grandir et dépasser les plantes potagères, étendre ses longues branches si bien que les oiseaux du ciel fassent leur nid à son ombre ».

Mais quand Jésus parle de graine et de semence, on peut comprendre avant tout qu’il est lui-même le semeur des graines du Royaume de Dieu, et en même temps qu’il est aussi la graine semée par le Père dans le monde des hommes. Les longues branches de sa Croix ouvrent les portes du Royaume à tous les peuples de la terre. La mission de l’Eglise est de faire signe de lui, d’être semence de paix, de justice et d’amour au milieu de tous les peuples de la terre. Sa mission n’est pas de faire signe d’elle-même, de se préoccuper de ses problèmes internes, mais d’accorder toute sa confiance à Celui qui lui a donné naissance et dont l’Esprit est à l’oeuvre en elle de nuit comme de jour. Enfouie en terre, enracinée en plein cœur du monde et de la vie des hommes, l’Eglise fait signe du Royaume de Dieu qu’elle n’est pas, mais pour lequel elle prépare la terre qui recevra des semences d’Evangile. C’est un monde nouveau qui germe et grandit en elle et par elle. Un royaume sans commune mesure avec ce qu’elle est. Un arbre aux longues branches verdoyantes, destiné un jour à rassembler et abriter tous les oiseaux du ciel, et donc aussi tous les peuples de la terre.

Alors dites-moi, serons-nous capables d’entendre avec ces paraboles et de nombreuses paraboles semblables, la Parole que le Seigneur nous adresse aujourd’hui, à savoir sa folle espérance ? Oui Seigneur nous te rendons-grâce car tel un grain de blé, tel un grain de moutarde, tu as déposé dans notre terre le germe de ton Royaume. Ce germe, fais-le grandir par la puissance de ta Parole et le souffle de ton Esprit. Que l’Evangile lève comme un champ de blé. Et si l’Eglise de ton Fils devient un arbre vigoureux, rend-là accueillante aux oiseux du ciel qui désirent faire leur nid à son ombre. AMEN !