Homélie 21 TOB. Evangile Jean 6, 60-69

Mes amis, la première lecture de cette messe nous rappelle un épisode fameux de l’histoire d’Israël. Josué convoque toutes les tribus qu’il place face à une alternative : servir les dieux des Amorrites et les idoles d’au-delà de l’Euphrate, ou servir le Seigneur. La réponse fuse : « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! » L’Évangile de Jean fait aussi entendre un appel radical : « Personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père », dit Jésus. Et cet appel nourrit une question lancée aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? », leur demande Jésus. Pierre répond, en fier porte-parole des Apôtres : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »

Oui, Jésus est le nouveau Josué, celui qui fait entrer dans l’Alliance que le Père conclut avec son peuple. Josué et Jésus, un même prénom en hébreu qui signifie « Dieu sauve ». Tout un programme : la proposition qui est faite au peuple, celui d’hier comme celui d’aujourd’hui, est celle d’accueillir la vie et la vie en abondance. Alors voulons-nous entrer à notre tour dans l’Alliance que Dieu nous propose ? Acceptons-nous de répondre à l’appel qu’il nous adresse maintenant ?

Pierre aujourd’hui parle pour chacun de nous ; sa réponse est celle que le Seigneur attend : « À qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Et cette réponse est requise de notre part à l’Alliance qui nous est proposée ; un engagement est espéré. Or, nous avons parfois une conception « romantique » de la foi, pensant qu’elle s’éprouve comme un sentiment intérieur. La foi chrétienne n’est pas un vague sentiment, encore moins une émotion passagère que nous pouvons ressentir pendant une soirée de louange ou une veillée d’adoration. La vie de foi n’est pas une vie douce et sucrée, avoir la foi ne procure pas la sensation que nous éprouvons en mangeant un bonbon au miel. Le sentiment de foi ou l’émotion religieuse sont bons, c’est certain, mais ils ne suffisent pas. Ce qui est requis de nous, c’est une décision. Aujourd’hui, nous avons à nous décider pour le Christ. Nous avons à nous situer par rapport à lui. Nous avons à le choisir.

Ce choix s’il est personnel, n’est pas pour autant isolé de nos semblables. Le chrétien ne peut pas être coupé des autres. À la proposition de Josué, c’est le peuple tout entier qui répond et s’engage, d’une seule voix. De même, quand Pierre répond à la question de Jésus, il le fait au nom des Douze. Il ne répond pas en « je », mais en « nous ». Eh bien, il en va de même pour nous : la foi que nous confessons, celle dans laquelle nous sommes baptisés, ne vient pas de nous. Elle est la foi de l’Église, que nous nous approprions et que nous sommes invités à confesser régulièrement. Cela est particulièrement vrai dans le dialogue avant le baptême ou dans les grands engagements de nos vies, où nous avons à proclamer publiquement un « oui, je crois » et un « oui, je le veux ». Nous le redisons aussi chaque dimanche à la messe, individuellement et ensemble, en Eglise, dans la grande prière du « Je crois en Dieu ». Ainsi, comme les Hébreux devant Josué, ou comme les Douze avec Pierre, lorsque nous répondons à la proposition qui nous est adressée, lorsque nous nous engageons dans l’Alliance, nous le faisons avec toute l’Église, comme membres du corps du Christ auquel nous appartenons. Ce dimanche, recevons l’Église comme une grâce. Oui, cela est bel et bon.

Pourtant, ce n’est pas si simple, car le peuple d’Israël n’a pas toujours été très fidèle à sa profession de foi : « Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! » Il a continué de se tromper, de pécher, et surtout de se mettre devant les yeux et devant le cœur des idoles à servir en priorité. Faut-il ajouter comme nous ? Nos confessions de foi sont-elles suivies d’un effet durable ? On peut l’espérer, mais de manière réaliste, nous pouvons constater que cela n’est pas aussi linéaire que nous le souhaiterions :  notre service du Seigneur et de son Evangile se perd trop souvent de tout le tourbillon de ce que le monde nous offre, de bon comme de moins bon.

Mais attention, cela ne veut pas dire que les confessions de foi sont inutiles, bien au contraire, elles sont d’autant plus importantes qu’elles ne sont pas magiques mais viennent redire l’intensité de notre désir de Dieu. Quand nous semblons perdre pied et direction, redire notre foi nous redonne le gouvernail de notre vie, sa direction la plus profonde et la plus intime. C’est dans la profession de foi de l’Eglise que nous apprenons le service du Seigneur, là où nous sommes, là où nous en sommes. Et quand notre propre foi, notre foi personnelle semble défaillir, la dire en communauté, en Eglise, nous permet de nous appuyer sur la foi de nos frères et de nos sœurs. Alors, comme Simon-Pierre dans l’Evangile, nous pouvons redire, malgré tout le poids de nos chutes : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68)

Alors à l’appel que Jésus adresse à l’apôtre Pierre, voulons faire nôtre sa réponse ? Seigneur nous ne voulons pas partir. Nous ne voulons pas servir d’autres dieux. Mais nous t’en supplions aide-nous à nous défaire de nos idoles. Pour que nous te choisissions à nouveau, pleinement, totalement. Pour que nous te reconnaissions comme l’Unique Sauveur. Pour que nous sachions que tu as les paroles de la vie, de la vie en abondance, de la vie éternelle.  Pour qu’en te voyant, nous voyions le Père. Oui, Seigneur, accorde-nous de comprendre que nous appartenons à un même corps. Accorde-nous d’aimer les autres membres de ce corps. Pour qu’ensemble, nous soyons reliés à Toi, la tête du corps qui est l’Eglise.  Amen !