En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. »
Pendant des siècles, une « Théologie de la substitution » a laissé penser que l’Église, était le vrai Israël de Dieu. C’était oublier que les dons de Dieu sont sans repentance, c’était méconnaître la profondeur du mystère d’Israël et la pérennité de la première Alliance.
Si aujourd’hui l’Église se reconnaît un lien privilégié avec le judaïsme, ce n’est pas seulement par amitié. Il y va de la qualité de sa propre foi. La plénitude de la connaissance du Christ ne nous appartient pas. Si nous le connaissons vraiment, nous ne le connaissons pas totalement. Il nous faut donc aussi le recevoir du judaïsme et purifier notre lecture de l’Évangile d’un certain nombre d’impensés.
Entre autres, la notion d’« accomplissement », qui a pu être comprise à travers les âges comme mettant fin à la mission du peuple juif, devenue alors caduque. Les paroles de Jésus sont claires. L’accomplissement de la Nouvelle Alliance n’est pas à comprendre comme un achèvement pur et simple de La Loi. Le Premier testament n’est pas qu’archéologique, ni sa relation avec le Nouveau seulement chronologique. Deux Testaments, à écouter en stéréophonie. Peut-on par exemple lire finement les Béatitudes sans le socle des dix Commandements ?
En effet, ce qui est « accompli » dans le Christ, par son incarnation, doit encore s’accomplir dans le monde, et dans l’Église même. Ainsi, nos frères juifs nous aideront à garder toujours vive l’attente messianique et à purifier une christologie parfois plus pieuse que biblique.
Parlant ici explicitement de la loi juive, des commandementset de tout ce que les Prophètes ont fait entendre de Dieu, Jésus le dit très clairement : « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir ». Cette parole de Jésus ferme définitivement la porte à tout marcionisme. Mais peut-être est-elle encore davantage qu’un éclairage théologique décisif sur les rapports entre la première et la seconde alliance.
Cette parole livre quelque chose de plus profond du cœur de Dieu et de son dessein d’amour sur les hommes. Elle révèle un peu de son mystère, du mouvement même de son être, qui est de toujours venir, et advenir. Oui, Dieu est celui qui vient, celui qui est venu et qui viendra encore. Dieu vient, mais pour quoi ?
Abolir n’est pas et ne sera jamais son mot. Comme si, pour le salut des hommes, le Dieu créateur ne travaillait jamais par la destruction totale de l’ancien, par la rupture radicale mais illusoire de la « tabula rasa ». Son secret est plutôt d’accomplir, c’est-à-dire de s’inscrire mystérieusement dans le temps qui sanctifie nos vies, à l’écoute de nos libertés. Son amour, c’est de se mettre à hauteur des choses déjà engagées ici-bas pour les porter à leur terme. Au terme de leur histoire, au terme de l’Histoire. Il ne s’agit pas tant de détruire pour remplacer que de toucher pour convertir. Claudel s’est risqué à le dire : « etiam peccata ! » même le péché mystérieusement est chemin pour le Royaume. C’est bouleversant de mesurer à quel point et comme personne, Dieu assume !
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 17-19)
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes :
je ne suis pas venu abolir, mais accomplir.
Amen, je vous le dis :
Avant que le ciel et la terre disparaissent,
pas un seul iota, pas un seul trait
ne disparaîtra de la Loi
jusqu’à ce que tout se réalise.
Donc, celui qui rejettera
un seul de ces plus petits commandements,
et qui enseignera aux hommes à faire ainsi,
sera déclaré le plus petit dans le royaume des Cieux.
Mais celui qui les observera et les enseignera,
celui-là sera déclaré grand dans le royaume des Cieux. »
Pas abolir mais accomplir
Pendant des siècles, une « Théologie de la substitution » a laissé penser que l’Église, était le vrai Israël de Dieu. C’était oublier que les dons de Dieu sont sans repentance, c’était méconnaître la profondeur du mystère d’Israël et la pérennité de la première Alliance.
Si aujourd’hui l’Église se reconnaît un lien privilégié avec le judaïsme, ce n’est pas seulement par amitié. Il y va de la qualité de sa propre foi. La plénitude de la connaissance du Christ ne nous appartient pas. Si nous le connaissons vraiment, nous ne le connaissons pas totalement. Il nous faut donc aussi le recevoir du judaïsme et purifier notre lecture de l’Évangile d’un certain nombre d’impensés.
Entre autres, la notion d’« accomplissement », qui a pu être comprise à travers les âges comme mettant fin à la mission du peuple juif, devenue alors caduque. Les paroles de Jésus sont claires. L’accomplissement de la Nouvelle Alliance n’est pas à comprendre comme un achèvement pur et simple de La Loi. Le Premier testament n’est pas qu’archéologique, ni sa relation avec le Nouveau seulement chronologique. Deux Testaments, à écouter en stéréophonie. Peut-on par exemple lire finement les Béatitudes sans le socle des dix Commandements ?
En effet, ce qui est « accompli » dans le Christ, par son incarnation, doit encore s’accomplir dans le monde, et dans l’Église même. Ainsi, nos frères juifs nous aideront à garder toujours vive l’attente messianique et à purifier une christologie parfois plus pieuse que biblique.
Parlant ici explicitement de la loi juive, des commandements et de tout ce que les Prophètes ont fait entendre de Dieu, Jésus le dit très clairement : « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir ». Cette parole de Jésus ferme définitivement la porte à tout marcionisme. Mais peut-être est-elle encore davantage qu’un éclairage théologique décisif sur les rapports entre la première et la seconde alliance.
Cette parole livre quelque chose de plus profond du cœur de Dieu et de son dessein d’amour sur les hommes. Elle révèle un peu de son mystère, du mouvement même de son être, qui est de toujours venir, et advenir. Oui, Dieu est celui qui vient, celui qui est venu et qui viendra encore. Dieu vient, mais pour quoi ?
Abolir n’est pas et ne sera jamais son mot. Comme si, pour le salut des hommes, le Dieu créateur ne travaillait jamais par la destruction totale de l’ancien, par la rupture radicale mais illusoire de la « tabula rasa ». Son secret est plutôt d’accomplir, c’est-à-dire de s’inscrire mystérieusement dans le temps qui sanctifie nos vies, à l’écoute de nos libertés. Son amour, c’est de se mettre à hauteur des choses déjà engagées ici-bas pour les porter à leur terme. Au terme de leur histoire, au terme de l’Histoire. Il ne s’agit pas tant de détruire pour remplacer que de toucher pour convertir. Claudel s’est risqué à le dire : « etiam peccata ! » même le péché mystérieusement est chemin pour le Royaume. C’est bouleversant de mesurer à quel point et comme personne, Dieu assume !
Diacre Patrick LAUDET