Homélie du 14 mai 2023

Homélie du dimanche 14 mai

Mes amis, juste avant que sa vie ressuscitée soit désormais cachée en Dieu, c’est le mystère que célébrerons jeudi prochain à l’Ascension, le Christ prépare ses disciples au temps de l’Esprit que nous fêterons à la Pentecôte, le temps du témoignage. Et pour vivre ces temps nouveaux, en ce 6° dimanche de Pâques, l’évangile nous rappelle que deux attitudes sont nécessaires : aimer le Christ et garder ses commandements : « si vous m’aimez », dit Jésus, « vous serez fidèles à mes commandements. »

   « Aimer et commandement », oui, l’évangile de ce dimanche commence et se termine par des mots qui n’ont pas l’air d’aller ensemble. A priori l’amour ça ne se commande pas, même si nous savons que nous ne pouvons pas nous contenter de dire « je t’aime » et combien il est difficile de rester fidèle. Et c’est ce qui explique que la dernière phrase de cet évangile insiste : « celui qui reste fidèle, c’est celui-là qui m’aime ».

   Mais comment faire ? Comment aimer quelqu’un d’absent, quelqu’un qui n’est plus visiblement présent, quelqu’un dont la vie est à tout jamais cachée en Dieu, en un mot : comment aimer le Ressuscité ? Oui, souvenez-vous, il ne suffit pas de dire « Seigneur, Seigneur », il faut faire « la volonté de mon Père » nous a dit Jésus de son vivant. En clair, comme on dit à Lyon il ne s’agit pas d’y dire, il s’agit d’y faire. Et cela nous renvoie donc à ce mot « commandement ». « Si vous m’aimez, vous serez fidèles à mes commandements. »

  « Commandement » voilà encore un de ces malheureux mots qui s’avance en titubant, tant il est chargé, surchargé de sens, de faux sens et de contre sens. Au premier abord, il faut bien dire que ça vous a une fière allure militaire : « A mon commandement, en avant, marche ! »

  Certes, lorsque les hébreux ont reçu les commandements que Dieu avait confiés à Moïse, ils étaient justement en train de marcher dans le désert. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que cette marche n’avait rien de militaire. Les « troupes » étaient un troupeau querelleur qui ne cessait de râler contre ce fou de Moïse qui les avait entrainés dans l’aventure, et comme la manne, cette étrange nourriture tombée du ciel n’était pas assez variée à leur goût, et bien chaque jour on frôlait la mutinerie.

   Bon, il faut se souvenir, que lorsque Dieu a confié à Moïse ce que nous nommons les « commandements », il ne s’agissait pas vraiment de remise en ordre ou de reprise en main, sur le thème : « Vous allez voir qui est le patron ! ». D’ailleurs les « commandements », les juifs les appellent les « dix paroles », ce que traduit convenablement le mot Décalogue. En termes contemporains, il s’agirait plutôt d’une « charte », d’un texte fondateur qui fait date et qui sert de socle aux relations humaines. Et si Dieu n’était pas partie prenante, j’oserais nommer cela un « gentleman agreement ».

   Mais de quoi s’agit-il en fait ? Tout simplement d’un accord entre deux parties qui reconnaissent leurs « obligations réciproques ». D’un côté, Dieu, qui a fait sortir les hébreux et les a libérés de l’esclavage, de sa main puissante, de l’autre le peuple sauvé qui, « en échange », accepte de se soumettre à un certain nombre de règles. Et la finesse de l’affaire, c’est que ces « commandements » ne sont pas seulement des obligations envers Dieu mais aussi des règles de vie avec les autres, avec notre prochain. Certes, il est bon d’adorer le Dieu Unique et de lui consacrer pleinement une journée tous les sept jours, le samedi, jour du sabbat pour les juifs, qui deviendra dimanche, jour du Seigneur pour les chrétiens, mais il faut aussi respecter ses parents, être fidèle, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir…

   Au temps du Christ, de savants rabbins ont tenté de « résumer » les commandements, et Jésus, lui, le fait sans hésiter de la façon suivante : il y a deux commandements, l’un ne prévalant pas sur l’autre, puisqu’ils sont semblables : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37). Et la chose étonnante, c’est que le christianisme, héritier du judaïsme, ne multiplie pas les commandements, au contraire. Alors que la loi juive a au final identifié 613 obligations, en codifiant les plus petites choses, des règles qui ne sont certes pas appliquées dans leur intégralité, même par les religieux ultraorthodoxes, le christianisme à l’initiative de Jésus, laisse un grand commandement à deux faces : « aimer Dieu et aimer notre prochain », ce prochain englobant jusqu’aux ennemis, ce qui certes simplifie l’énoncé de la règle mais ne la rend pas plus aisé à observer. Pour le dire autrement, il est plus simple de manger du poisson le vendredi que de tendre la main à celui qui nous a insultés.

  Voilà où nous en sommes aujourd’hui. Rien n’a changé. Le christianisme n’est pas une religion de prescriptions. Il n’y a rien d’autre à faire qu’aimer, à tort et à travers, à temps et contre temps, et la longue cohorte des saints et des martyrs est là pour attester que ce n’est pas le choix de la facilité. « Aime et fais ce que tu veux », disait St Augustin. C’est tout ! Et à la question : jusqu’au faut-il aimer ? Le Christ n’a qu’une seule réponse, jusqu’à l’extrême, jusqu’au bout ! D’une certaine manière on peut dire que l’amour chrétien est un extrémisme !

   Alors je vous l’accorde, devant la radicalité d’un tel amour, nous nous sentons bien pauvres et démunis, comme orphelins, tellement cet amour nous parait si excessif, à priori toujours trop grand pour notre cœur. Mais avons entendu aussi cette Promesse que le Ressuscité a fait à ses disciples : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre défenseur qui sera pour toujours avec vous : c’est l’Esprit de vérité. » 

  « L’Esprit de vérité », qu’est-ce à dire ? C’est le souffle qui a relevé Jésus d’entre les morts, c’est cet amour de Dieu plus fort que la mort, ce souffle saint qui, tel un avocat, veut plaider en nous, envers et contre tout, la cause de cet amour plus grand que notre cœur. Oui, malgré nos infidélités à aimer, Jésus nous fait entendre que « même si notre coeur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur ». L’Esprit de Pentecôte nous est promis, pour faire de nous malgré notre péché, des témoins de l’amour de Dieu, des annonceurs de l’Evangile toujours capables de rendre compte de l’espérance qui nous habite.

   Eh bien demandons au Seigneur dans notre prière que son Esprit soit notre maître intérieur pour nous souffler à l’oreille de notre cœur que c’est en aimant de l’amour qui vient de Dieu que nous serons à même de prendre le chemin qui mène de façon sûre au matin de la Résurrection. Oui, le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, Il est Vivant, il est avec nous pour toujours par le don de son Esprit !

Liubomyr PETSIUKH

Responsable communication

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