Dimanche 3 Décembre 2023. 1° dimanche Avent B Evangile Marc 13, 33-37
Pour commencer ce temps de l’Avent, il est nécessaire de faire un simple rappel, concernant justement ce mot « Avent », qui pour beaucoup, en français, peut prêter à confusion. Rappelons donc que le mot signifie « Avènement », ou d’une façon plus simple, « Venue ». C’est d’ailleurs ainsi que commence notre évangile : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue. » L’Avent n’est donc pas ce qui précède mais ce qui va advenir. L’Avent nous invite à regarder vers l’avenir.
En théorie cette période est un « petit carême », du moins pour nous les catholiques, car nos frères orthodoxes eux en font un sérieusement de 40 jours. L’Avent un petit carême ? Pour preuve, la couleur liturgique, le violet. Mais en fait, le seul jeûne que nous observerons, ce sera celui du « Gloria » à la messe afin d’être impatients de mêler nos voix à celle des anges la nuit de Noël, pour acclamer Dieu qui vient. Car en effet l’avènement, l’évènement, c’est bien celui-ci : Dieu vient ! Comme il est déjà venu au premier Noël, en toute simplicité, sans trompette ni tambour, juste avec quelques hauts bois et une poignée de musettes.
Bon, je sais bien qu’il est toujours difficile de reconnaître la Présence de Dieu dans cet « abaissement » comme le chantait le vieux cantique de Noël. Il y a plus de deux mille ans, les juifs pieux espéraient un Messie pour Israël, mais ils ne s’attendaient pas à ce que les cieux se déchirent avec l’humble naissance de cet enfant de Bethléem. Pas plus qu’ils ne s’attendaient à ce que cet humble Messie soit Dieu lui-même. Et quant aux disciples de Jésus eux-mêmes, il est clair que d’un bout à l’autre de leur aventure, ils ont découvert que Jésus est toujours « ce qu’ils n’attendaient pas », jusqu’à la divine surprise de Pâques : « Ce Jésus crucifié, Dieu l’a ressuscité, Il est Vivant » (Actes 2). Oui, ça, c’est sûr, personne ne s’y attendait !
Le temps de l’Avent, ce devrait être cela, tout simplement : l’attente de l’inattendu, de ce Dieu imprévisible, car Dieu n’a pas fini de nous surprendre, de nous étonner, de venir comme à l’improviste, « le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ». Alors « il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis » Oui, dit Jésus, « ce que je vous dis là, je le dis à tous : « Veillez ! »
« Veillez » Mais qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire pour nous aujourd’hui ? Et puis, comment nous y prendre ? Si le temps de l’Avent est un véritable entrainement à veiller, essayons donc de répondre à ces deux questions : Veiller, qu’est-ce à dire ? Veiller, comment faire ?
« Veillez » bien sûr, c’est ne pas dormir. Le disciple de Jésus ne doit pas être un endormi. Le sommeil en effet n’a pas bonne presse dans les évangiles : « Heureux le serviteur que son Maître trouvera éveillé… Malheureux le serviteur qui enfouit son talent, qui le laisse dormir… Malheureuses les filles d’honneur de la noce qui s’endorment et laissent leurs lampes s’éteindre… » En un mot, le chrétien ne doit pas être un endormi. Nous ne sommes pas des gens de la nuit mais des gens du matin, de l’aube de Pâques. Et même si désormais « comme cet homme parti en voyage » Jésus ressuscité est absent à nos yeux de chair, il nous faut avec les yeux du cœur demeurer « éveillés et vigilants ». Oui, il est venu, une première fois, il y a plus de vingt siècles, il reviendra, visiblement, au dernier jour. Nous sommes maintenant dans cet entre- deux, entre la première et la deuxième venue, le premier et le deuxième avènement du Christ. Il s’agit donc de nous situer dans ce temps de l’attente. Entre un passé bien lointain et un futur bien hypothétique, dans un présent, que le Christ nous invite à vivre « éveillés et vigilants ». Notre aujourd’hui.
Alors, veiller, comment faire ? Il y a plusieurs manières de vivre notre aujourd’hui. Pour certains, et parce que ce présent n’a rien de réjouissant, ce ne peut être que dans la nostalgie du passé, du « bon vieux temps » qu’on peut trouver sa consolation. D’autres, au contraire, refusent de se complaire dans cette nostalgie du passé et estiment que seul compte le temps présent. Mais sans perspective d’avenir. On vit au jour le jour, et, en ce qui concerne demain, « après tout on verra bien ! » C’est un regard à court terme, On n’attend rien de l’avenir. Du moins rien de bon. Et notre désir est tellement à court terme qu’il ne se porte que sur de petits choses, de petits plaisirs plus ou moins éphémères. D’autres encore, peuvent s’évader dans le rêve. Un peu comme les gosses qui, plutôt que de s’attacher à leurs devoirs, se prennent à rêver « quand je serai grand, etc.. »
L’attitude lucide et responsable, vous le devinez bien, est de vivre activement son présent, son quotidien, dans une perspective à long terme, avec des buts, des objectifs. Ne rien négliger du présent, car il prépare l’avenir. L’attente du lendemain, certes, mais une attente active, qui prépare le lendemain. Une attente basée sur un désir. C’est de tout cela qu’il est question lorsque Jésus nous demande à quatre reprises, dans ce petit passage d’évangile, de « veiller ».
Veiller, être éveillé, c’est d’abord ne pas se laisser endormir par des slogans, des promesses illusoires ou les annonces répétitives de la « pensée unique ». Plus encore, veiller c’est être vigilants. Comme la sentinelle dont c’est la mission, ne pas se laisser surprendre par qui ou quoi que ce soit. Mais, nous dit Jésus, veiller, c’est encore plus que cela. C’est travailler, être actif. Faire son travail de ce jour, le mieux possible. En regardant « plus loin que le bout de son nez », car on ne fait pas son travail au jour le jour, mais dans une perspective d’avenir, en lui donnant sens, signification, orientation.
L’Avent est donc ce temps béni qui nous est offert pour nous interroger : Quelle signification donnons-nous à notre vie ? Vivons-nous le nez baissé sur nos tâches quotidiennes ou les yeux levés vers un avenir qu’on prépare, qu’on espère, qu’on désire, qu’on attend ? Oui, l’Avent est un temps de conversion : Vivons-nous notre aujourd’hui dans l’horizon de la Promesse de Dieu, de l’accouchement de son règne d’amour ?
Parler de l’Avent, c’est en effet parler d’avenir, parler d’accouchement. Saint- Paul le premier, emploie cette image, évoquant les gémissements de la création tout entière dans les douleurs de l’enfantement. L’image est parlante. Notre « veille », notre attente riche de désir, c’est comme l’attente d’une maman qui attend un enfant. Ce n’est pas une attente fébrile et agitée, mais une attente active, tant elle a de choses à faire, et d’abord pour faire grandir en elle celui qu’elle porte. Pour cela, il lui faudra s’imposer des restrictions, des régimes, du repos, ou au contraire des exercices, bref, tout ce qui est nécessaire à un bon accouchement.
Allez, l’Avent nous met en route vers le mystère de Noël, vers l’accouchement de Dieu en notre chair. Ce premier dimanche de l’Avent est une première lumière qui nous est offerte pour nous encourager à nous tourner vers l’avenir avec confiance. Dieu qui a tenu ses promesses par le passé, continuera de le faire. L’attente est un état d’esprit par lequel nous ravivons notre désir de veiller jusqu’à la venue ultime du Christ. Veillons donc à laisser grandir en nous le désir que Dieu prenne davantage de place dans nos vies. Oui, en cet Avent, faisons place en nous pour Dieu afin que brillent déjà les lumières de la fête de Noël. Beau temps de l’Avent à vous tous !