Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 14, 27-31a)

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Je vous laisse la paix,
je vous donne ma paix ;
ce n’est pas à la manière du monde
que je vous la donne.
Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.
Vous avez entendu ce que je vous ai dit :
Je m’en vais,
et je reviens vers vous.
Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie
puisque je pars vers le Père,
car le Père est plus grand que moi.
Je vous ai dit ces choses maintenant,
avant qu’elles n’arrivent ;
ainsi, lorsqu’elles arriveront,
vous croirez.
Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous,
car il vient, le prince du monde.
Certes, sur moi il n’a aucune prise,
mais il faut que le monde sache
que j’aime le Père,
et que je fais comme le Père me l’a commandé. »

Plus beaucoup.

 

 Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car le prince du monde va venir. C’est donc que les événements vont se précipiter. Est-ce seulement temporel ? Est-ce l’imminence de l’arrestation qui va empêcher les échanges ? Un « car » en vérité bien déroutant, qui établit ici, de fait, un lien mystérieux entre le relatif silence de Jésus et la venue du prince de ce monde. Non pas que Jésus craigne en quoi que ce soit d’être entravé à l’avenir par le promoteur du mal, ni empêché par celui qui toujours tente de barrer aux hommes le salut. Il le dit lui-même, il n’y a rien en lui qui puisse lui « donner prise ».

Dans le déroulement de l’histoire sainte et dans l’économie du salut, plutôt une concomitance mystérieuse : le moment venu, comme un nécessaire retrait de Dieu, une entrée en silence, une grande discrétion, assumée. Une impressionnante « réserve », si apparente que certains la prendront pour un abandon. Le « Tsimtsoum » de la tradition juive en un sens, assumé par Jésus lui-même, pour laisser aux hommes le jeu véritable de leur liberté, pour laisser au monde le déploiement de son ordre propre, et à celui qui en est le Prince d’accomplir son ténébreux office.

         Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car le prince du monde va venir. La phrase n’est pas sans actualité. La voix de Jésus est de plus en plus ténue dans le brouhaha du monde et dans le vacarme médiatique. Mais « plus beaucoup » ne veut pas dire « plus du tout ». Si le mal et son prince s’emparent souvent des micros et occupent volontiers le devant de la scène, Jésus lui se saisit des cœurs, mezza voce. Cela fait forcément moins de bruit.

 

Diacre Patrick LAUDET

Diacre Patrick LAUDET