L’histoire est belle mais elle est triste, dramatique même si elle finit malgré tout plutôt bien. Une fois encore, dans quelques jours, au soir maussade d’un vendredi saint assombri, nous allons la réentendre. Sans doute serons-nous émus, touchés par ce Jésus qui agonise et meurt sur le bois échoué que rejette, déchaîné, un océan de haine. Nous attendrons alors que s’apaise la tempête et que l’aube mêlée d’une Pâques joyeuse bien qu’encore incertaine nous invite, amicale, à reprendre la mer.
En trois jours, l’affaire sera bouclée : la mort rappelée et la Résurrection célébrée, Jésus sur qui l’on crache et le Christ au jardin que les femmes, les premières, reconnaissent… Trois jours pour tendre la main à une jeune histoire vieille de plus de deux millénaires. Trois jours pour s’en faire, une fois encore, les héritiers. Trois jours enfin pour quitter les rivages nourriciers de la mémoire et s’aventurer sur les eaux profondes de la foi.
Pâques nous invite en effet à bien plus qu’à une cérémonie du souvenir. Cette semaine que l’on dit Sainte ne le sera vraiment que si nous avons l’allègre folie de la conjuguer au seul temps qui plaise à Dieu : le présent. Vivre Pâques, dans la foi, c’est en effet cesser de n’en faire qu’une commémoration, c’est accepter d’ouvrir aujourd’hui, ici et maintenant, le tombeau de nos existences à cette « brise légère » qui mit en marche le prophète Elie.
Oui, Pâques accoste au quai de nos existences chaque fois que nous « entendons » ce souffle saint. Se mettre en marche vers la Résurrection, c’est d’abord prendre, comme disent les musiciens, le temps de « travailler notre oreille ». La Semaine Sainte devrait être, entre toutes, semaine de l’écoute, semaine pour l’écoute de l’inouï de Dieu dans l’ordinaire de nos jours. Ordinaire des jours, quotidien de Dieu…
Rameaux en mains, avec un cœur qui écoute, entrons ce dimanche dans cette grande semaine. Nous découvrirons qu’il n’y a plus de montagne sainte, de Temple saint, ni même de semaine Sainte, de lieux ou de temps où, exclusivement, nous pourrions rencontrer le Vivant. Seul reste ce temps, le plus long de l’année, que l’Eglise nomme si bien le temps « ordinaire ». Ordinaire des jours de la semaine mais jours saints car illuminés par le jour du Seigneur, l’aube du matin de Pâques !
Sainte semaine à vous tous, à l’écoute de la Passion et de la Résurrection du Seigneur !
P.ROLLIN+
Recteur de la Cathédrale Saint-Jean Baptiste de Lyon