Homélie du 26 mars : 5ème dimanche de carême

Evangile Jean 11, 1-45 (5ème dimanche carême A)

 

  « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »

    Mes amis, il y a de l’amertume chez Marthe et Marie, du ressentiment, de la confiance trahie, de l’amitié déçue. Oui, Jésus n’est pas venu quand elles l’ont appelé, il n’était pas près de ses amis dans l’angoisse et la souffrance.

   « Si tu avais été ici… », si Dieu était là… L’épreuve est parfois plus difficile à comprendre pour des croyants que pour des non-croyants. Leur foi même peut leur rendre plus difficile qu’à d’autres l’acceptation des limites naturelles et douloureuses de la vie humaine. « Si tu avais été ici… Ne pouvait-il pas empêcher… ? » Que dire ?

   « Ton frère se relèvera. » Jésus semble s’en tirer par une de ces consolations religieuses qui servent à masquer l’impuissance et le trouble, et à excuser Dieu pour s’excuser d’être croyant. N’est-ce pas aussi l’amertume, presque le sarcasme, plus que la joie d’une espérance, qu’exprime la réponse de Marthe la croyante à la parole de consolation de Jésus : « Je sais qu’il se relèvera… au dernier jour. »

    Mais aujourd’hui, ici et maintenant, qu’est-ce que ça change ? Dieu dans le passé, Dieu dans l’avenir. Mais où est-il, maintenant ? Et moi, prêtre, moi chrétien, puis-je dire seulement que Jésus pleure son ami ? N’ai-je pas à offrir pour maintenant plus qu’un Dieu qui ne peut rien faire d’autre que pleurer ? Impuissance des mots. Impression d’imposture parfois.

    « C’est moi qui suis la résurrection et la vie…Crois-tu cela ? » J’avoue, je peux croire « celui qui met sa confiance en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et met sa foi en moi ne mourra jamais », mais j’ai de la peine à bien comprendre : « C’est moi qui suis la résurrection et la vie ».

   Bon, j’entrevois que la résurrection dont Jésus parle n’est pas seulement une espérance pour plus tard, mais qu’elle commence maintenant. J’entrevois que mettre notre confiance en lui est plus que croire quelque chose à son sujet ; c’est mettre notre confiance en lui, c’est lier notre vie à la sienne, jusqu’à l’extrême, jusqu’en sa mort, son passage par la mort et sa résurrection. J’entrevois que la résurrection ne se limite pas à la « résurrection de la chair » comme nous le proclamons dans le Credo, mais qu’elle est une expérience intérieure pour maintenant. J’entrevois que, pour autant, la résurrection ne se limite pas aux expériences intérieures de relèvement que nous pouvons faire, mais que celles-ci annoncent une résurrection totale. J’entrevois que la vie dont Jésus parle est beaucoup plus que la vie physique, mais qu’elle la comprend. J’entrevois que les limites de notre raison et les révoltes de notre cœur  rapetissent singulièrement ce que nous appelons la résurrection des morts. Mais je comprends seulement que le commencement de notre résurrection maintenant dépend de notre réponse à la question de Jésus : « Crois-tu cela ? »

    « Crois-tu cela ? » C’est la question qui est posée ce dimanche aux catéchumènes dans le temps ultime de leur préparation au baptême. Par le baptême, ils passent de la mort à la vie. « Crois-tu cela ? » c’est la question qui nous est posée à nous quasiment au terme de notre Carême, car voyez-vous, souvent, bien souvent, trop souvent, comme Lazare et ses sœurs, nous vivons comme des morts en sursis, notre maison ressemble à un tombeau, nous faisons penser à des survivants.

    « Moi, je suis la résurrection et la vie, crois-tu cela ? »  Lazare est malade. Mais de quoi est-il malade ? D’une maladie qui n’est pas mortelle. Et pourtant il finit par en mourir. Et de quoi est-il mort ? De cette maladie dont le texte ne nous dit pas le nom mais que l’on finit par comprendre, maladie qui affecte aussi ses sœurs. Il est mort en l’absence de Jésus. Il est même mort, pour une part, à cause de l’absence de Jésus, car « si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort », disent chacune, tour à tour, Marthe et Marie. Et de fait, Jésus le dit : « Celui qui vit et croit en moi ne mourra pas. » Or, Lazare est mort. Donc il n’a pas cru. Et peut-être que ses sœurs non plus. En tout cas Jésus sollicite leur foi : « Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? »

   « Crois-tu cela ? » Le manque de foi est une maladie dont beaucoup de monde souffre et dont on peut finir par mourir. Pourtant, cette maladie ne conduit pas à la mort irrémédiable. Car celui qui croit, même s’il meurt, vivra.

Dans ce récit d’évangile deux gestes manifestent ce retour à la vie. Entendre la voix forte de Jésus qui appelle chacun par son nom et lui dit : « Viens dehors », dehors de tous tes enfermements et tes tombeaux où tu demeures. Et cet impératif : « Déliez-le et laissez-le aller ». Elles sont nombreuses en effet, les bandelettes par lesquelles une vie peut être entravée jusqu’à l’étouffement total. Mais « Celui qui croit vivra ! »

    Alors, « crois-tu cela ? » car c’est maintenant, comme pour son ami Lazare, que le Seigneur veut nous tirer de notre sommeil, nous remettre debout et défaire les liens qui entravent la vie.  C’est maintenant qu’il veut mettre en nous son souffle qui a relevé Jésus d’entre les morts et qui veut donner vie à nos corps mortels. C’est maintenant qu’il nous faut apprendre à mourir à tout ce qui est éphémère et passager pour naître à la confiance et à l’espérance. Allez, il n’y a plus à attendre, c’est maintenant. Eh bien, « convertissons-nous et croyons à l’évangile ! »

 

Liubomyr PETSIUKH

Responsable communication

Laisser un commentaire