Homélie du 2 octobre

Homélie 27 TOC. Evangile : Luc 17, 5-10

« Seigneur, augmente en nous la foi ! » Mes amis, chacun de nous peut se sentir concerné par la demande des disciples. Oui, cette demande est bien la nôtre aussi. Nous la formulons souvent pour nous-mêmes, conscients que nous sommes de notre peu de foi. Nous voudrions croire, faire de l’Evangile l’horizon premier de notre vie, suivre vraiment Jésus, mais nous ne faisons que balbutier, tâtonner comme des aveugles. Tant de raisons prétendument objectives nous maintiennent dans le quotidien de nos doutes et de nos sécurités confortables. Alors la demande des apôtres hier est bien la nôtre aujourd’hui : « Seigneur augmente en nous la foi ! »

   Mais Jésus, comme à son habitude, répond de façon déconcertante. La foi, ce n’est pas une affaire de taille, ni de volume ! Nous rêvons tous d’une foi qui serait grande, solide et belle, comme cette magnifique Cathédrale. Eh bien non ! Voyez, dit Jésus, combien une foi, même de la taille d’une graine de moutarde, peut donner une force inouïe à votre parole : « Arbre, déracine-toi et va te planter dans la mer. » Et l’arbre vous obéirait.

   Un arbre qui se déracine et va se planter dans la mer ! Ils devaient un peu sourire les auditeurs de Jésus ! Et nous aussi peut-être, nous haussons les épaules devant quelque chose d’aussi farfelu ! Mais nous avons tort ; car l’arbre qui se déracine et va se planter dans la mer, l’image est suggestive. Elle vient nous redire que « rien n’est impossible à Dieu ». Oui, la réponse de Jésus à la demande des disciples n’est pas un reproche, mais un encouragement. C’est une manière de nous dire que rien n’est impossible à celui qui croit, parce que rien n’est impossible à Dieu, tout simplement. C’est dire aussi que, désormais, toute parole découragée ou morose nous est interdite.

    Alors les apôtres… peut-être avaient-ils parfois l’impression que Jésus leur demandait l’impossible ? Tenez, juste avant ce passage, il vient de leur donner une consigne bien audacieuse : « Si ton frère vient t’offenser, reprends-le ; et s’il se repent, pardonne-lui. Et si sept fois le jour il t’offense et que sept fois il revienne à toi en disant : je me repens, tu lui pardonneras. » Le pardon est bien la chose la plus difficile du monde ! Et qui de nous prétendrait y arriver avec autant de constance ? Mais pourquoi douter d’y parvenir ? Douter, c’est douter de Dieu, pas de nous. Le mystère de Dieu ne va-t-il pas jusque-là, jusqu’à croire, c’est-à-dire être sûrs, que l’Esprit de Dieu habite en nous, l’Esprit d’amour et de pardon. Certes à vue humaine le pardon est impossible mais si nous y parvenons c’est bien le signe que grâce à la foi le Christ vit en nous et fait miracle dans nos vies ! Et c’est peut-être aussi le sens de la fameuse phrase de Jésus : « A ceci tous vous reconnaîtrons comme mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » (Jn 13,35). Traduisez : l’amour mutuel est humainement impossible ; si nous communautés y parviennent ce sera le signe de la présence du Christ Vivant parmi nous.

   « Seigneur augmente en nous la foi ». C’était donc la prière des apôtres, mais Jésus les invite à tout autre chose. Tout compte fait, il ne s’agit pas de rêver d’augmenter nos capacités. Le secret consiste peut-être au contraire à reconnaître notre petitesse et à nous appuyer sur l’infinie puissance de Dieu. Nous retrouvons bien là l’enseignement de la parabole qui suit l’évangile de ce dimanche : nous reconnaître comme de simples serviteurs, des serviteurs quelconques au service d’une tâche qui nous dépasse infiniment, quel soulagement ! Il n’est donc pas question de « rendre le tablier » comme on dit. Il s’agit pour les humbles apôtres que nous essayons d’être, chacun à notre place, d’accomplir petitement, au jour le jour, le service qui nous est demandé : avec notre petite foi de rien du tout, Dieu peut faire de grandes choses. Lequel d’entre-nous oserait prétendre que sa foi, petite ou grande, ajoute quoi que ce soit à la grandeur du mystère d’amour de Dieu ? Nous sommes donc invités à nous appuyer tout simplement sur la force de Dieu et à nous réjouir d’être associés à son œuvre d’amour. Le titre de « serviteurs de Dieu » n’est-il pas notre plus beau titre de gloire ?

   Face à l’immense étendue du champ à moissonner, c’est vrai nous sommes parfois tentés de baisser les bras, et bien n’oublions pas que nous ne sommes que les serviteurs, les intendants du Maître de la moisson. A travers nos bras et nos mains, c’est lui qui tient la charrue. Avec nos pauvres forces humaines, nous ne pouvons pas grand-chose. Laissons-donc la force de son Esprit nous habiter, laissons se réveiller en nous « le don de Dieu ». Et quand nous aurons fait tout ce qu’il nous a demandé, apprenons donc à lui dire : « Nous ne sommes que tes serviteurs ». Oui, creusons en nous, par la prière, l’espace où le Christ vient demeurer. Le but de la prière est peut-être moins d’obtenir ce que nous demandons que de devenir autres à l’image et à la ressemblance de Celui qui s’est fait le Serviteur de tous.

   Eh bien accueillons les mots du Serviteur de Dieu : « Si tu avais la foi, tu dirais au grand arbre : Va te planter dans la mer ! Et il t’obéirait. »  Oui, au matin de Pâques, le grand arbre de la croix a été arraché à l’emprise de la mort pour aller se planter dans les eaux de la vie. Père, dit Jésus, que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ! C’est par la force vivifiante de l’arbre de la croix du Christ que nous sommes arrachés à jamais des terres stériles de l’amertume, de la rancœur et de la peur, pour devenir des êtres libres. Aller se planter dans la mer, c’est finalement cela, c’est être libre. Suffisamment libre pour se faire proche de tous ; libre pour s’émerveiller de tout. C’est être libre pour servir, c’est être libre pour aimer. Et il est libre, surtout, celui qui se sait aimé de Dieu. « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais mes amis » dit le Seigneur. Amen !

p. Patrick Rollin

Liubomyr PETSIUKH

Responsable communication

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