Homélie du dimanche 1er octobre

Mes amis, une fois de plus, l’Evangile met le doigt sur une faille de notre existence : la discordance, la contradiction entre le dire et le faire. Oui, Jésus nous raconte ce dimanche une courte parabole dont l’enseignement est limpide : un père demande à ses deux fils d’aller travailler à sa vigne. L’un refuse, mais finalement se reprend, se repent et y va. L’autre acquiesce, dit « oui », mais ne bouge pas. L’enseignement à retenir : tant pis si l’on met du temps à s’ajuster à la demande, l’important est de passer à l’acte.

Vous savez Matthieu n’est pas particulièrement tendre à l’égard de ceux qui disent et ne font pas. Et notre vie quotidienne est remplie de belles paroles qui ne sont pas toujours suivies d’effet. Pensons à nos résolutions, personnelles ou familiales, en ce début d’année scolaire. Pensons à notre façon subtile de couvrir par le brio du discours l’indigence de notre action. Nous sommes habiles à donner le change et à jeter de la poudre aux yeux de ceux qui nous entourent. Pensons aussi à nos engagements pris « sur parole » et oubliés en cours de route. Oui, nous avons de la difficulté à mettre de la cohérence dans notre vie et nous nous contentons de fidélités ponctuelles et successives.

Et voyez-vous, selon l’évangéliste Matthieu, le découplage de la parole et de l’action est même une tare congénitale des hommes religieux. Oui, quand Jésus s’en prend ici dans cette parabole aux chefs des prêtres et aux anciens, il attaque la part de nous-même qui s’enorgueillit de sa place au chaud dans l’Eglise, qui plie Dieu à ses intérêts particuliers, qui a toujours une parole d’Evangile à la bouche pour clore le bec de ceux qui ne nous plaisent pas. Or, Jésus précise bien : « Il ne suffit pas de me dire : Seigneur, Seigneur ! pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21). L’enfer est en effet pavé de bonnes intentions. Il n’est alors pas étonnant que Matthieu ait inclus dans la prière du Notre Père la demande : « Que ta volonté soit faite. » Oui, c’est bien la pratique qui mesure l’authenticité de la parole de foi. Le chrétien n’est pas seulement un croyant il est d’abord et avant tout un pratiquant : « Va et fais de même ! » se plait à répéter Jésus à ceux qui veulent le suivre. Aussi comme on dit à Lyon, « il ne s’agit pas d’y dire mais d’y faire ».

Faire la volonté de Dieu, mais quelle est la volonté de Dieu ? L’évangile de ce dimanche nous offre deux éléments de discernement : l’exemple des publicains et des prostituées, la référence à Jean-Baptiste.

« Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu ». Cette phrase on l’entend habituellement au futur, comme si elle annonçait la hiérarchie qui prévaudra dans l’au-delà. Or, Jésus parle au présent. Le présent des prêtres et des anciens de l’époque, mais notre présent, notre présent à nous aussi chrétiens du XXI° siècle. Oui, que cela nous plaise ou non, les publicains et les prostituées nous précèdent dans le Royaume de Dieu, dès lors qu’ils ont cru avant nous, voire mieux que nous, à la Parole dite de la part de Dieu.

Bon, nous supportons mal que publicains et prostituées soient ainsi mis en valeur, que Jésus donne le haut du pavé aux femmes du trottoir désignées ici comme en avance sur les professionnels de la religion dans le royaume de Dieu. Mais Jésus ne vante pas leur métier, il souligne leur démarche. Eux ne sont pas enfermés dans leur autojustification, leur suffisance, mais se sont laissés bousculer par une parole. Ils se sont repentis et ont cru. Leur cheminement est exemplaire pour nous, car il va de la prise de conscience du péché à l’accueil de la grâce, la découverte de la proximité de Dieu qui nous révèle que nous sommes toujours en chemin avec lui et que le seul péché mortel c’est de nous croire arrivés, installés dans notre bonne conscience.

Tenez sommes-nous au clair sur notre rapport à l’argent, au pouvoir et à la sexualité ? Jamais totalement sans doute. Mais c’est au moment où l’on ne peut plus compter sur soi que l’on peut se tourner vers un autre, le Christ l’envoyé du Père, s’en remettre à lui et se laisser retourner par lui. En d’autres termes, nous ne devenons pas fils et filles de Dieu par l’institution, le milieu ou le rôle social ou ecclésial, mais par la conversion, par le changement de vie motivé par la foi.

C’est pourquoi Jean-Baptiste ne s’efface pas totalement devant Jésus. Son message décapant, rugueux, apocalyptique, constitue le porche de l’Evangile, car il appelle à une attitude, et pas seulement à une parole de conversion. Souvenez-vous : « Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion » (Mt 3,8). Oui, autant dire qu’une belle déclaration de foi ne rattrapera jamais l’absence d’un comportement ajusté à la volonté de Dieu. D’où la question qui nous est posée par cette parabole des deux fils : « quel est votre avis ? » Nous croyons, nous confessons, nous proclamons que le Christ est Seigneur, qu’il sur le cosmos et l’histoire, mais est-ce qu’il règne, est-ce que nous le laissons régner dans nos cœurs ? Régner pas seulement à travers nos mots mais encore et d’abord à travers nos actes.

« Ayez en vous », nous dit St Paul dans la deuxième lecture, « les dispositions qui sont dans le Christ Jésus ! » Nous nous disons chrétiens, soyons vraiment heureux de l’être mais surtout, chaque jour, vivons en chrétiens. Et dans le silence et le recueillement, laissons résonner dans nos cœurs l’appel du Christ « Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne », lui qui n’a été qu’un « Oui » à son Père ! Amen !

Liubomyr PETSIUKH

Responsable communication

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